Dans un arrêt récent du 7 juillet 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé – au visa des articles 30, paragraphe 1, de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 et L. 111-1-2 du code des procédures civiles d’exécution – un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 9 janvier 2020, ayant ordonné la vente forcée de l’immeuble constituant le lieu de résidence de l’ambassadeur de la République démocratique du Congo.
Cet arrêt est très important dans le volumineux contentieux de l’exécution impliquant des Etats étrangers ou leurs démembrements.
En effet, la France signataire de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques précitée a introduit dans le code de procédure civile d’exécution des dispositions spécifiques qui encadrent strictement la mise en œuvre des mesures conservatoires et des mesures d’exécutions forcée à l’encontre d’un état étranger.
Ainsi, l’article L. 111-1-1 du code des procédures civiles d’exécution soumet la mise en œuvre des mesures conservatoires et des mesures d’exécution forcée sur des biens appartenant à un État étranger à la délivrance d’une autorisation judiciaire préalable, les articles subséquents précisent les hypothèses où, par dérogation, une telle autorisation peut être délivrée.
Dans le cas d’espèce, la cour d’appel de Paris avait validée une procédure de saisie immobilière et avait ordonnée en conséquence, la vente publique aux enchères d’un bien immobilier acquis en France, par la République démocratique du Congo (RDC), pour y loger son personnel diplomatique.
La Cour de cassation a cassé cet arrêt de la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 9 janvier 2020).
Selon les hauts magistrats, aux termes des articles 30, paragraphe 1, de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 et L. 111-1-2 du code des procédures civiles d’exécution, la demeure privée de l’agent diplomatique jouit de la même inviolabilité et de la même protection que les locaux de la mission.
Dès lors, lorsqu’une sentence arbitrale a été rendue contre un Etat étranger, des mesures conservatoires ou d’exécution forcée visant un bien appartenant à l’Etat concerné ne peuvent être autorisées par le juge que si le bien en question est spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé par ledit Etat autrement qu’à des fins de service public non commerciales et entretient un lien avec l’entité contre laquelle la procédure a été intentée.
La Cour poursuit en précisant que sont notamment considérés comme spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l’Etat à des fins de service public non commerciales, les biens utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions de la mission diplomatique de l’Etat.
Or, pour ordonner la vente forcée du bien immobilier litigieux, après avoir constaté que le caractère officiel de la résidence de l’ambassadeur de la RDC dans ces lieux a été reconnu par le service du protocole du Ministère des affaires étrangères à compter du 2 août 2014, la cour d’appel retient qu’en réalité, ces lieux ne constituent pas la résidence personnelle de l’ambassadeur et ne sont pas affectés à la mission diplomatique de cet Etat. Toujours selon, la cour d’appel, fut-il affecté au logement du personnel diplomatique de la RDC, l’acquisition de ce bien ne constitue pas une prérogative ou un acte de souveraineté mais seulement une opération habituelle de gestion relevant du droit privé.
Pour la Cour de cassation, en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les articles 30, paragraphe 1, de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 et L. 111-1-2 du code des procédures civiles d’exécution
Pour comprendre la décision des hauts magistrats, il faut savoir que ces derniers axent leur raisonnement sur le critère de l’utilisation et/ou de la destination de l’immeuble litigieux.
En premier lieu, ils reprennent le libellé de l’article L. 111-1-2, alinéa 1er, 3°, du code des procédures civiles d’exécution, suivant lequel lorsqu’une sentence arbitrale a été prononcée à l’encontre d’un État étranger, des procédures civiles d’exécution ne peuvent être judiciairement autorisées qu’à la double condition que le bien concerné soit « spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé par ledit État autrement qu’à des fins de service public non commerciales et [entretienne] un lien avec l’entité contre laquelle la procédure a été intentée ».
En deuxième lieu, ils précisent que les biens utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions de la mission diplomatique d’un État ne font clairement pas partie de ceux pouvant être concernés par une telle autorisation du juge de l’exécution.
En troisième lieu, ils constatent que l’immeuble en cause dans cette affaire constituait le lieu de la résidence de l’ambassadeur de la RDC. À ce titre et compte tenu du principe consacré par l’article 30, § 1er, précité, de la convention de Vienne du 18 avril 1961, cet immeuble bénéficiait d’une protection contre l’exercice des procédures civiles d’exécution.
Il est intéressant de d’observer que la cour d’appel et la cour de cassation se sont placées sur des terrains différents.
Pour les conseillers de la cour d’appel l’acquisition de ce bien immobilier ne constituait pas une prérogative ou un acte de souveraineté mais s’analysait seulement en une opération habituelle de gestion relevant du droit privé.
La Cour de cassation ne fait donc pas sienne cette analyse et retient seulement le critère de l’utilisation et/ou de la destination du bien appartenant à l’État étranger.
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